Tuesday, September 08, 2009

INSPECTAREUS ES TRAVAILLUS

Après une longue absence motivée par la perte des codes de ce blog, votre serviteur est désormais de retour, prêt à pourfendre sans relâche les avatars néfastes et nombreux de le France rose bonbon (avec une nuance bleutée depuis peu mais aucun changement d'envergure).

Pour (re) commencer, j'avais besoin d'un sujet léger et divertissant en ces temps de merdier démago capitalisto pipo, en l'occurrence d'une série d'études de cas.  Piochons dans la caste du gauchiste professionnel, du rouge de combat, du fonctionnaire d'élite.

Aussi tenace que partial, véritable cerbère  du monopole du bien, et doté de pouvoirs étendus, l'inspecteurus es travailus constitue, avec le contrôleur des impôts, un serviteur zélé de la Cause. Sa proie de prédilection : l'entreprise, mais spécialement celle de petite taille, si vulnérable car souvent bien incapable de se trouver en conformité d'un droit du travail en France si parfaitement complexe et inadapté à la conduite d'une activité quelconque. 

 Tel un faucon, (c'est  ainsi qu'il aime parfois secrètement se représenter lui même), il plane au dessus des vastes plaines Prud'hommales, à la recherche du salarié maltraité. Sa vue perçante l'autorise à repérer un plaignant à plusieurs dizaines de kilomètres, dans certains cas à quelques centaines lorsque c'est un champion de l'arrêt maladie, ou un délégué syndical, par exemple. Il fond alors sur sa proie, avec dans son sillage une commette de textes de loi, scintillants déjà comme milles avertissements à la malheureuse entreprise, qui par essence, est toujours coupable et malveillante, quoi qu'il arrive. 

Parfois, comble de bonheur, jouissance sans limite, il arrive  qu'un salarié l'informe, en toute bonne foi bien sur, sans arrières pensées, qu'il croit constater des irrégularités dans son entreprise : Là, c'est la dénonciation ! AhAh, hourra, la bonne vielle méthode, les bons vieux souvenirs ! Mmmmm ! Que-du-bonheur. Ces courageuses dénonciations, très souvent justifiées par la torture, l'exploitation physique, sexuelle, et morale du salarié masqué si vertueux et innocent,  donnent lieue à une action rapide et efficace de contrôle. C'est alors l'alhalie, la curée, sans même y penser,  tel  Zoro mais sans son masque, notre Contrôleur fonce et engage le combat. Aucune vérification n'est nécessaire, il n'y a pas de doute ! On tire d'abord, on discutera ensuite. C'est la Blitzkrieg, pas de cartiers, s'il faut raser Londres, on rasera Londres, la guerre totale est lancée, l'armée mécanisée d'un empire légitime (l'Etat) s'apprête à anéantir un village de paysans incultes  armés de bâtons (l'entreprise) !

Avant d'en arriver à l'action, cependant, cette créature féroce passe d'abord sa prime jeunesse à étudier le droit du travail. Ce sacerdoce  permet aux plus talentueux, un jour, d'y apporter une contribution personnelle. C'est alors pour ceux ci la consécration : faire un ou deux noeuds de plus, abroger, ou plaisir suprême, complexifier encore telle ou telle convention collective en un indescriptible merdier sans queue ni tête sur la base duquel on pourra dresser procès verbal sur procès verbal.

Cette étude intransigeante des méandres du droit du travail tourne souvent à l'obsession. Véritable ayatollah, s'isolant peu à peu du monde réel, le jeune inspecteur débutant perd progressivement tout contact avec les autres êtres humains,  ceux qui travaillent, qui font des choses, exercent une activité quelconque dans un monde réel en 3 dimensions peuplé d'autres hommes. Peu à peu, les arches du monde disparaissent. 
C'est l'étape de l'effondrement vers un monde abstrait en 2 dimensions : celles du format A4. 

A ce stade de lévitation cosmique, libéré des basses contraintes de la réalité, oubliant jusqu'à l'attraction terrestre, le jeune inspecteur est prêt à être nommé, c'est à dire a exercer  son pouvoir de contrôle du respect de la réglementation du droit du travail. Il deviens également de facto un personnage référent pour des milliers de branleurs, une sorte de chef tout puissant et magnanime dont les pouvoirs magiques sauront à coup sur transformer l'incompétence, les petites combines, les mensonges te les relations sociales dans l'entreprise en bon pognon sonnant et trébuchant. A toute condition cependant que :

- Votre entreprise soit de petite taille ou modeste (il n'est pas question, par exemple, de traiter des cas réellement graves d'exploitation du travail ou de risques pour la santé : ex amiante)
- en général, les travailleurs virés comme des malpropres sur délocalisation après 35 ans de loyauté n'ont droit, eux,  à que dalle, mais cela n'intéresse pas l'inspecteur du travail car, tant que le droit et les procédures ont été respectées, tout va bien.

Notre prophète affectionne typiquement de déstabiliser durablement, voire de détruire une petite structure, avec une prédilection particulière pour le petit artisan, Antéchrist bien connu du capitalisme financier, coupable systématique des maux du monde cruel qui est le notre. 

Pour lui, inconsciemment et en général, c'est d'ailleurs à cause de l'entreprise que le monde est si laid. Il souffre souvent, en effet, de constater que la réglementation du travail si parfaite, si vaste, si pure sur le papier, si belle aussi car si impeccablement inapplicable et abstraite, se trouve ainsi souillée de devoir être mise en oeuvre dans le fameux monde réel en 3 dimensions. 

En fin de carrière souvent, notre centurion rouge est devenu un perfectionniste sans tolérance pour les textes eux memes, un poète de la réglementation, un esthète sentimental éternellement blessé que le monde ne perçoive pas la beauté d'un univers de papier, inapplicable, et merveilleusement inutile...